Il est courant de lire que les anciens Maîtres enseignaient sans parler et qu'il fallait aux pratiquants beaucoup de persévérance et de volonté pour accepter un tel enseignement. Aujourd'hui, nous assistons à une pratique un peu opposée qui consiste à accompagner en permanence l'enseignement par des commentaires très détaillés : ce qui laisse peu de place à la réflexion et à la recherche personnelle du pratiquant.
Si la première pratique a ses limites et peut présenter quelques inconvénients, voire aboutir à des incompréhensions, surtout dans notre société actuelle, la seconde ne permettra pas aux pratiquants d'accéder, par un travail de recherche vraiment personnel, à une bonne perception de certaines sensations.
La découverte, par son propre travail et sa propre réflexion, du cheminement qui mène au but, à l'objectif que l'on s'est fixé ou à la réponse au problème posé, est mille fois plus formatrice que d'entendre l'énoncé du problème en même temps que la solution.
Et ce, d'autant que lorsque les mots se substituent aux perceptions sensorielles, il se produit une perte d'informations évidente.
Pierre-Jean Boyer en kumité avec Michel Hsu à Sérignan-Plage(1971)
Les mots constituent un filtre déformant au travers duquel nous cherchons à faire connaître et partager nos sentiments.
Bien sûr, les mots sont indispensables pour établir une communication mais il faut en connaître les limites pour les utiliser quand cela est nécessaire mais aussi pour en cerner les imperfections et les possibles déformations et interprétations.
Car chacun donne aux mots une signification, à partir d'une base commune évidemment, qui lui est propre et qui est la conséquence de sa propre expérience passée.C'est pourquoi il est demandé aux pratiquants d'observer attentivement et de mobiliser tous leurs sens dans le but de saisir l'ensemble des informations émises pendant l'entraînement.
Savoir observer est une qualité très importante et constitue naturellement un préalable à la phase suivante qui consiste à évaluer ce qui a été observé.
Développer cette aptitude à percevoir est d'autant plus intéressante dans notre pratique qu'elle doit dépasser le stade de la perception des signes visibles qui reflètent l'état d'esprit intérieur, pour atteindre celui de la perception des changements ou ruptures d'état dans certaines situations.
L'observation ne doit pas forcément se faire de façon volontaire et réfléchie. Elle peut provenir d'un état d'esprit propice, sans préjugé ni arrière pensée, d'une disponibilité d'esprit, d'une certaine vacuité intérieure.
La démarche cartésienne, volontariste n'est pas toujours la bonne solution !
Pierre-Jean BOYER |