Le footing :
C’est parti !
Les conversations, qui tentaient de réchauffer la pénombre du sable frais, cessent immédiatement.
Comme un vol d’étourneaux, les blancs kimonos se mettent en mouvement au‐dessus du sable
meuble. Une sourde convection s’installe, amenant les plus rapides devant et les autres derrière,
échelonnés. L’air marin s’emplit d’ahanements plus ou moins poussifs, et de rares paroles, résidus
hachés de conversations interrompues.
Le vol court maintenant parallèlement à l’eau. Certains affrontent le sable meuble, tandis que
d’autres, flirtant avec l’écume de la marée montante, oscillent au rythme des assauts marins.
Les éléments de tête font bientôt (enfin) demi-tour, et rattrapent peu à peu ceux qui les ont imités.
Notre plage à nouveau s’offre à nos regards, et le vol blanchâtre, en ordre dispersé, finit par s’y
poser.
La Gymnastique :
Une brève injonction sur nos souffles asthmatiques :
« Gymnastique » ! Un salut.
Et de sauter sur place,
D’y ajouter les bras,
Et les jambes écartées,
Les mains toujours tendues,
Suivre le rythme effréné,
Souffler, ne pas crisper,
Cent mouvements, comme un seul.
Etire ! Etire encore,
Plus bas, plus bas plus loin,
Pour assouplir nos corps
Et nos états d’esprit,
Qu’est-ce qu’on trouve comme grains de sables !
Le Kihon :
Je vous vois sourciller par-dessus vos lorgnons :
Qu’est-ce donc que le Kihon ?
Un oiseau exotique ? Un bon mot pour le Scrabble ?
A moins que ne ce soit mon humour exécrable,
Qui pour rire de vous invente un mot nouveau ?
Pas du tout : je vous prie, mettez ce kimono.
Venez donc avec nous transpirer sur le sable,
Ecrire avec la sueur ce mot admirable :
C’est la seule manière de bien l’orthographier,
C’est de cette façon qu’un mouvement est encré.
Comprendre un geste c’est bien, mais nous appartient-il ?
Le répéter cent fois, ou mille, ou bien dix mille,
En faisant chaque geste comme si c’est le dernier.
Comme si sa vie, son être entier en dépendait.
Accepter ses erreurs, chercher le relâchement.
En tirer des leçons pour le mouvement suivant.
Mais la technique n’vaut rien sans saisir l’instant :
Quand compte le Sensei c’est trop tard si j’défend.
« Se relâcher c’est bien, mais c’n’est pas décrétable,
Et j’aurai beau tracer mon sillon dans le sable,
Je sentirai plutôt mon corps se contracter ».
- C’est que tu n’es pas encore assez fatigué :
Epuisé comme il faut, ton corps finalement
N’alimentera plus qu’les circuits pertinents.
Quand sonne la fin du Kihon, reste bien concentré :
Tu ne peux pas être sûr que c’est bien terminé.
Aussi reste présent, et ne t’agite pas :
On peut à tout moment reprendre le combat.
Le plouf :
Un petit plouf dans l’eau d’la Méditerranée,
Juste après l’entraînement, avant l’petit déjeuné,
Saisit le corps bien chaud, achève de le détendre,
Tonifie l’organisme et le prépare à prendre
Douche, tartines et thé après le karaté.
La tente :
La tente est un abri léger et fait de toile.
La mienne en une seconde –paraît-il- est montée,
En fait il reste quand même les sardines à planter.
C’est un abri nocturne : de jour à Sérignan,
Elle se transforme en four et vous rôtit dedans,
Eussiez-vous la folie d’aller vous y étendre.
De nuit par contre c’est bien, on s’y repose en paix,
Surtout une fois finie l’animation podium,
Et couchés les fêtards insomniaques et bruyants.
Commence alors vraiment le repos du bonhomme,
Qui doit au petit jour émerger beau et frais.
A ce titre citons l’épaisseur du matelas
Et rappelons l’histoire : princesse ? Petit pois ?
Rappelons que la nuit vous voulez vous détendre
Et non chercher du dos la forme du sable ‘’tendre’’
Qui n’a aucune idée de votre morphologie !
Midaré :
Midaré : le chaos. Le sable et la sueur,
Dix attaques, pas d’arrêt. Pas de doute, pas de peur
Devant ce poing jailli, direction le plexus.
Bien rentrer dans l’attaque et s’offrir à ce poing,
Pivoter au contact, pas avant, pas de loin,
Pouvoir à tout moment riposter et conclure.
Entrer loin, jusqu’au bout, sans stopper le mouvement
Mais ne pas s’endormir, et pivoter avant
Que l’assaut suivant puisse vous clouer sur place.
Les yeux sont dans les yeux, c’est là que tout se passe,
Suivre le poing ou le pied vous maintient dans la nasse
Où l’attaque, pas à pas, finit par vous clouer.
A l’issue les regards restent bien accrochés.
Les ombres se relèvent, encore toutes essoufflées
Et ensemble se saluent sans lâcher le regard.
Textes : Stéphane RAMIS
Photos : Alice et Denis SCHMITT
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