On dit fréquemment que l’efficacité dans les arts martiaux repose sur l’harmonie entre le corps et l’esprit.
Cette harmonie ne peut être atteinte sans un contrôle parfait du corps dans l’espace. En karaté ce contrôle repose sur :
- la maîtrise technique des positions,
- l’équilibre ou plutôt la maîtrise du déséquilibre pendant le mouvement.
La maîtrise des positions:
Les positions sont fondamentales, car leur but est de préparer au mouvement.
Zen kutsu est particulièrement adapté aux attaques longues vers l’avant.
Kokutsu-dachi permet de contre-attaquer facilement avec la jambe avant, après avoir défendu sur place.
Kiba-dachi, quant à elle, convient parfaitement aux attaques et contre-attaques latérales.
On comprend, par ces quelques exemples évidents, que la réussite d’une technique d’attaque ou de défense est liée au choix de la position. Cette dernière doit permettre une action rapide, encore faut-il pour cela qu’elle soit parfaitement maîtrisée sur le plan technique. Les deux principaux défauts à éviter sont les temps d’appel et l’installation de contractions parasites.
Les temps d’appel peuvent prendre de multiples formes:
Un pied avant mal placé, par exemple tourné vers l’intérieur, avant une attaque en zen kutsu devra être remis en place avant de permettre le mouvement. Ce temps d’appel avertira l’adversaire de l’imminence de l’attaque.
Un recul du poing avant le départ d’un oi-zuki aura le même effet. Un simple plissement des yeux, une crispation sur le visage sera également un signe parfois inconsciemment perçu par le défenseur.
Les contractions parasites du corps pendant la prise de position vont, quant à elles, contrarier le mouvement qui va suivre et limiter sa vitesse. Pire encore, elles peuvent mettre en cause la stabilité. Cette stabilité est fondamentale. Une simple crispation des orteils la compromet.
Le corps doit être prêt à réagir, à se mouvoir dans toutes les directions. Un défaut de stabilité provoquera au moment crucial un déséquilibre dans une direction et contrariera tout mouvement dans la direction opposée; c’est le temps de réaction qui en pâti.
Si l’équilibre et la stabilité sont indispensables dans les positions, c’est plutôt un déséquilibre maîtrisé qui devrait être recherché dans le mouvement. Le Shotokaï insiste en effet sur la participation de tout le poids du corps dans le sens du mouvement.
La maîtrise du mouvement :
Le principe est de dire que toute attaque doit être décisive et donc unique, le maintien de l’équilibre en fin de mouvement n’a pas de fin en soit. Celui-ci peut même être nuisible en introduisant une certaine retenue, voire un blocage du corps prématuré. Ainsi poser le genou à terre en fin d’exécution d’une technique lors des ki-hon n’est pas un défaut en shotokaï (contrairement à ce qui est considéré dans de nombreuses autres écoles), à condition, toutefois, que cette “ chute ” ait lieu dans la direction de la technique et que cela soit le résultat d’un engagement total du corps. Par contre si le déséquilibre est mal contrôlé, le poids du corps n’est plus pleinement engagé dans la bonne direction, la puissance de la technique est diminuée et la précision dégradée.
D’une manière générale, rappelons que les jambes sont le levier de transmission entre les bras qui exécutent la technique et le point d’ancrage des pieds au sol. Cet appui ferme et stable au sol permet de diriger la totalité de la force dans le sens de l’attaque.
Ce principe d’engagement du corps, de maîtrise de l’équilibre ou du déséquilibre à partir d’une base stable, s’applique à toutes les techniques. Il est d’autant plus difficile à réaliser sur les coups de pied, qu’un seul point d’appui est utilisable pour contrôler le mouvement. Ainsi est-il courant de voir un pratiquant tomber en arrière au moment de l’impact, ou lancer des ushiro-geri dans des directions plus qu’approximatives. Enfin même si le corps semble parfaitement décontracté à l’arrêt, prenez garde que les contractions parasites ne reviennent au galop dès le début du mouvement. Il est inutile par exemple, de contracter les épaules lorsque l’on donne un coup de pied ou un coup de poing.
Durant l’entraînement :
Ce qui vient d’être dit paraît sans aucun doute évident à beaucoup, cependant une très large majorité des défauts constatés sont liés à un mauvais contrôle du corps pendant le mouvement, ou pendant sa phase préparatoire. Ce type de défaut se retrouve à tous les niveaux et concerne tout le monde sans exception, tant il est vrai que la perfection ne peut pas être atteinte. Il est pourtant inutile de s’attacher à gagner de la puissance, de la vitesse, de meilleures facultés de concentration, des qualités mentales, ou que sais-je encore, tant qu’une base solide n’est pas construite autour des positions et du mouvement.
Pendant toutes les phases de l’entraînement, je considère qu’il est utile de se poser les questions suivantes:
- est-ce que j’utilise le moindre muscle à autre chose que le maintien de la position ou à la stricte exécution du mouvement ?
- ce qui revient à se demander : comment puis-je tenir cette position (grande et basse) ou exécuter ce mouvement avec le minimum d’effort ?
- existe-t-il le moindre temps d’appel, le moindre mouvement parasite avant, puis pendant, l’exécution de chacune de mes techniques ?
- mon corps est-il pleinement engagé dans la bonne direction pendant le mouvement ?
Lorsque nous avons la possibilité de répéter seul quelques techniques pendant les ki-hon, nous pouvons entièrement tourner notre attention vers ces quelques questions. Il s’agit de chercher la réponse avec son corps, de ressentir la position à partir de ses “ capteurs internes ” (les médecins parlent de proprioception), puis d’analyser ce message corporel. Telle est sans doute la meilleure façon de ne pas travailler mécaniquement. Evitons de chercher des réponses avec nos yeux; car le simple fait de tourner, ou de pencher la tête modifie à l’évidence le message sensoriel.
La première des contractions parasites, la plus immédiatement visible en tout cas, c’est cette grimace d’effort qui s’affiche sur de nombreux visages dès que les jambes commencent à peiner. La douleur crée peut-être cette grimace, mais la grimace entretient la douleur. Essayez de garder un visage serein, voire souriant pendant un entraînement et vous verrez à quel point il paraîtra plus facile.
Bon courage.
Gérald LEFEBVRE
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